L'histoire de Pierre Just Marny aurait pu être conté dans les plus grands reportages sur les criminels et son histoire aurait passionné dans le monde entier. Plein de questions subsistent sur les faits, les causes et les conditions finales de vie de cet homme que le destin ne prédestinait pas à une telle vie.
Pourtant Pierre Just Marny était un criminel, considéré comme un héros pour certains, comme un ennemi public par d'autres et qui a su attendrir jusqu'au niveau national où les médias ont repris son histoire pour traiter du problème carcéral en France.
Né le 6 août 1943, Pierre Just Marny voit le jour dans une famille très modeste à Fort-de-France. En effet, suite à la fermeture des usines sucrières, beaucoup de ruraux alors sans emploi migrent vers Fort-de-France à la recherche d'une vie meilleure mais hélas la Martinique est dans une situation chaotique en pleine Seconde Guerre Mondiale.
À l'école, dès les plus première classes, il collectionne les renvois et est connu pour ses absences répétées et son caractère difficile et provocateur. À 15 ans, il est alors placé à La Tracée au Gros-Morne dans un établissement éducatif spécialisé pour les adolescents en difficulté scolaire. Il s'enfuit et revient vers sa ville natale où il va tomber dans la petite délinquance.
Avec une bande d'amis, il se spécialise dans le vol de pièces automobiles. Tout un réseau se met en place avec des acheteurs qui passent commande au groupe qui se charge alors de voler la pièce et de la livrer en moins de 24 heures. Le « business », inexistant jusque là en Martinique, devient très vite très rentable grâce au bouche-à-oreille mais les personnes dépouillées ont une autre opinion sur ce commerce de pièces détachées. Suite aux nombreuses plaintes, la police décide alors d'investiguer sur ce commerce et après un vol pneu, le couperet tombe sur Marny !
En 1963, alors âgé de 20 ans, Marny est arrêté par la police. Il promet à ses complices de ne pas les dénoncer et d'assumer la peine pour tous. Il est condamné à 4 ans de prison dont 2 avec sursis. Après deux ans de pénitence, touché par la personnalité et l'histoire du jeune homme au passé difficile il se voit offrir la possibilité d'intégrer une prison-école dans l'Hexagone. Le but était qu'il puisse être formé à un métier tout en purgeant sa condamnation. Une autre faveur lui est accordé, saluer ses parents avant son transfert dans l'hexagone mais hélas, Marny ne profite pas de la clémence du verdict.
Marny part retrouver ses anciens complices pour leur réclamer sa part du butin. Ces derniers refusent d'accéder à sa demande. Furieux de s'être fait duper, le 2 Septembre 1968, armé d'un fusil, Marny va rentrer dans une folie meurtrière et tuer trois personnes dont un bébé de 2 ans, victime collatérale et fils de l'un de ses complices présumés, et blesser deux autres.
Pendant 6 jours, toutes les forces de police de l'île sont mobilisées dans la chasse à l'homme. L'affaire fait la Une du quotidien France-Antilles tous les jours. Des témoins déclarent l'avoir vu dans différentes communes de l'île.
Il est finalement arrêté, six jour plus tard le 8 Septembre 1965 sur la route de Redoute à Fort-de-France. Une foule se forme près du commissariat pour voir celui qui était sous les feux des projecteurs depuis plusieurs jours.
Il en profite pour remettre une lettre ouverte aux journalistes dans laquelle il explique les raisons qui ont motivé son acte meurtrier. Il affirme avoir volé des pièces détachées pour plusieurs personnes, accepté d'aller en prison et de payer pour tout le monde impliqué dans le trafic mais que ces derniers auraient refusé de lui donner son dû une fois la sentence purgée.
La lettre est alors signé « la panthère noire » surnom qu'il s'est attribué.
Incarcéré à la prison de Fort-de-France, il s'enfuit, le 10 Octobre 1965 un mois après son arrestation. S'en suit alors une chasse à l'homme pendant 9 jours. C'est la folie dans l'île et l'opinion de la population change. De tueur sanguinaire, ennemi public numéro 1, Marny est perçu comme malfaiteur dangereux pour certains qui se barricadent chez eux mais comme un héros du peuple par certains. La population comprend la soif de vengeance de Marny suite à son explication dans la presse. Son surnom de panthère noire est repris partout pour le désigner.
Il sera alors protégé par la population des quartiers populaires de Fort-de-France où il avait grandi. Ces mêmes quartiers défavorisés connus pour leur délinquance sont très rarement fréquentés par les policiers et les gendarmes. C'est ainsi que Marny va passer plusieurs jours protégé et se fondre parmi les jeunes du quartier de Sainte-Thérèse.
Après 11 jours de cavale, le 21 octobre 1965, un gardien de prison déclare avoir perçu Marny près d'une épicerie de Sainte-Thérèse.
Vers 18h30, deux gendarmes approchent du fugitif avec l'injonction de se mettre couché contre terre et sans arme. Marny refuse d'obtempérer. Les militaires présent en renfort ouvrent le feu et touchent le fugitif par trois balles à l'abdomen et aux poumons. Il s'écroule et est transporté dans un état très sérieux à l'hôpital Clarac à Fort-de-France.
L'information de l'arrestation de Marny (« Yo tiré anlè Marny ! », on a tiré sur Marny) fait très vite le tour de l'île et la population se révolte. L'épicerie devant laquelle il est arrêtée est incendié suite aux soupçons de délation de l'épicière. La situation devient délétère entre les gendarmes qui tentent de remettre l'ordre et les jeunes du quartier. Ils sont caillassés. Pendant trois jours, les jeunes affronteront les forces de l'ordre sur la seule voie à l'époque qui permettait de se rendre au centre-ville. Ces rixes feront 1 mort et 40 blessés.
Conscient de l'émoi que suscitait l'affaire sur place et par crainte de nouveaux débordements, il paraît évident pour la justice qu'il ne serait pas approprié de juger Marny sur place. Suite aux opérations subies, Marny survit à ses blessures par balle.
Le 24 Novembre 1965, il est transféré à Paris en pleine nuit dans un avion militaire.
Suite à son procès en 1969 et après déjà quatre ans d'incarcération dans l'hexagone, il est condamné à la réclusion criminelle à perpétuité le 27 Septembre 1969 par la cour d'assises de Seine. Il encourrait la peine de mort.
Ses conditions de détention sont très dures. Classé détenu à haut risque, il est placé en quartier de haute sécurité dans la prison et est mis à l'isolement 23 heures par jour.
En 1975, après 10 ans d'incarcération dans l'hexagone, il demande son rapatriement en Martinique mais la justice le lui refuse jugeant qu'il pourrait s'évader. Il se dit alors victime de la « justice coloniale ». Suite à une altercation avec un gardien de prison, il lui crève l'œil, il sera alors emprisonné dans l'Unité des Malades Dangereux, une unité pour les malades psychiatriques de la prison de Montfavet près d'Avignon (Vaucluse).
Il restera au total 32 ans en prison dans des conditions les plus extrêmes et devient le détenu le plus vieux de l'histoire de France. Plusieurs médias et personnalités montent au créneau pour demander d'accéder à sa demande de libération et à son rapatriement dans sa terre natale, la Martinique.
Le 28 Mai 2008, 43 ans après ses crimes, l'administration accède à sa demande et il est rapatrié au centre pénitentiaire de Ducos en Martinique. Marny a alors 65 ans et est partiellement aveugle et physiquement affaibli. Il se battra pour réclamer sa libération avec plusieurs soutiens locaux mais n'obtiendra que quelques heures de de liberté pour profiter de ses proches et un bain de mer au Vauclin.
Le 7 Août 2011 après avoir purgé 48 ans de prison, Pierre Just Marny est retrouvé pendu dans sa cellule le 7 Août 2011. Il est de loin la personne ayant passé le plus de temps en détention de l'histoire de France.