Les révoltes d'esclaves en Martinique

Révolte d'esclavesL'esclavage est souvent raconté en présentant les esclaves uniquement comme des êtres serviles appliquant les ordres de leurs maîtres. On oublie souvent de raconter l'autre histoire de l'esclavage, celle de héros, de résistants qui ont parfois, au péril de leur vie, refusé de se soumettre, d'accepter l'injustice ou les dures conditions des plantations pour fuir, s'opposer et même parfois porter atteinte à la vie de leur maître ou se suicider.

En effet, bien que peu d'écrits le racontent en détail, les esclaves ont parfois usé de tout leurs moyens pour résister aux atrocités qu'ils subissaient. Ainsi on sait qu'en Martinique ils ont procédé à des empoisonnements (en particulier les domestiques chargés de préparer les repas du maître), des homicides, des suicides, des évasions, du marronnage (fuite d'esclave hors de la propriété de son maître) et des révoltes.

Nous allons nous intéresser plus précisément aux grandes révoltes d'esclaves en Martinique et elles furent nombreuses.

Les plus importantes se sont déroulées en 1678, 1699, 1748, 1752, 1822, 1833 avant celle de 1848 menant à l'abolition de l'esclavage.

La révolte de 1678

La première grande révolte d'esclaves en Martinique a eu lieu en 1678, 43 ans après les débuts de la colonisation française. De nombreuses petites révoltes ont eu lieu lors de cette période et Charles de Courbon, Comte de Blénac, le Gouverneur Général des Antilles (de 1677 à 1696) connu pour être le grand bâtisseur de la ville Fort-Royal (actuel Fort-de-France) les réprime sévèrement. Selon l'historien Adrien Dessalles, le Gourverneur Blénac s'illustre dans l'écrasement d'une des premières révoltes des esclaves de la Martinique : « Les nègres, dont le nombre s’augmentait journellement, voulurent remuer à la Martinique. De Blénac, non seulement réprima l’insurrection qu’ils avaient fomentée, mais encore les châtia d’importance ».

Suite à une révolte qui a lieu en 1678, Blénac écrit à Colbert le 5 Septembre 1678 : « Il y en a eu 10 ou 12 de tués à coups de fusils et 9 pendus ou roués. Demain, on en jugera encore 13 » puis le 14 Novembre 1678 : « tous les chefs sont tués, noyés ou roués ».

Aujourd'hui une rue (rue Blénac) porte son nom à Fort-de-France pour saluer la mémoire de l'homme bâtisseur. Un comité de mémoire a réclamé que les rue soit rebaptisée « Rue des esclaves insurgés (1678) » sans succès.

La révolte de 1822 au Carbet

Dans la nuit du 12 au 13 octobre 1822 au Carbet, à proximité de Saint-Pierre, un soulèvement d'esclaves a lieu dans les plantations de l’Habitation de Monsieur Fizel. Une trentaine d’esclaves se réunissent armés de fusils et de coutelas se dirigeant vers l’Habitation Ganat située sur les hauteurs de la commune du Carbet. Ils assassinent le propriétaire et rallient les esclaves présents sur la plantation à leur cause. Ils blessent 7 autres personnes puis reviennent à l’Habitation Fizel.

Ils tuent Monsieur Fizel en l’égorgeant. Quelques esclaves des habitations voisines préviennent leurs maîtres de ces assassinats et l’alerte est donnée. L’alarme se répand dans la paroisse du Carbet.

Le Commandant de la place et le Gouverneur du Roi résidant à Saint-Pierre sont prévenus de la révolte. Ils mobilisent la patrouille qui part très vite à la recherche des « marrons » (esclaves en fuite). Toutes les forces de sécurité du nord de la l’île sont lancées. Très vite, la répression fut maîtrisée.

Les esclaves avouent que leur but était de « massacrer les Blancs et les gens de couleur libres sur leurs habitations et de se porter en masse sur la ville de Saint-Pierre ». Ils désignent les principaux responsables de la révolte et sont tous emprisonnés.

Le 22 octobre 1822, la Cour Royale de Martinique est convoquée pour donner un jugement et les sanctions tombent : « La Cour condamne (...) Jean-Louis, Crépin, Narcisse, Edouard, Isaac, Joachim dit Banguio et Ignace (...) à être tirés de prison et conduits par l'exécuteur des hautes œuvres au lieu ordinaire des exécutions de cette ville de Saint-Pierre, revêtus d'une chemise rouge et la tête couverte d'un voile noir pour y avoir le poing droit coupé et, ensuite, la tête tranchée, leurs corps exposés pendant quatre heures et, après, jetés à la voirie. »

« Condamne (...) Alexis (...), Jean, Régis, Philippe, Maximin dit Balisier, Joseph dit Chat, Ferdinand, Séverin, Sylvestre, Michel (...), André, Julicceur, Marcel et Maximin (...) à être tirés de prison et conduits par l'exécuteur des hautes œuvres au lieu ordinaire des exécutions de cette ville, pour être pendus et étranglés à une potence qui sera plantée à cet effet, jusqu'à ce que mort s'en suive, leurs corps exposés pendant quatre heures, ensuite jetés à la voirie. »

Six autres sont condamnés à 26 coups de fouet puis remis à leur maître, 8 doivent assister aux exécutions puis être remis à leurs maîtres. Seuls 14 sont déchargés de toute accusation, sont relaxés et rendus à leur maître.

Cette révolte ne s’était pas répandue dans l’île.

La révolte de Grand'Anse

Une révolte a explosé dans la paroisse de Grand'Anse, l'actuel Lorrain en 1833. Les planteurs refusent la nomination d'un officier de milice de couleur, une révolte soutenue par la ville de Marigot entraîne la dissolution de la milice.

L'issue principale de cette révolte est que les libres de couleurs qui eux-mêmes possédaient des esclaves s'engagent résolument dans la lutte contre l'esclavage.

Ils obtiennent le droit d'accéder à tous les emplois, deviennent des électeurs et seront éligibles. L'enseignement primaire se développe mais l'égalité réelle entre Blancs et Libres de couleur restera limitée.

La révolte « finale » et l'abolition

Le 20 mai 1848, dans la commune du Prêcheur, un planteur blanc interdit aux esclaves de jouer du tambour. Un esclave désobéissant est emprisonné. Son arrestation provoque la colère des autres esclaves de la plantation qui se soulèvent et partent armés en direction de Saint-Pierre. Des gendarmes sont tués ainsi que le gendre du maire du Prêcheur. Certains Békés qui avaient choisi de se réfugier au presbytère meurent carbonisés suite à l'incendie volontairement allumé par les esclaves en rébellion.

Suite à d'autres affrontements violents, l'esclavage est aboli par le Gouverneur de la Martinique Général Claude Rostoland sous la pression de la foule.

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