La Martinique est réputée mondialement pour son rhum de qualité. Ce dernier est d'ailleurs souvent utilisé comme un produit de référence pour parler de l'île. Mais d'où nous vient le rhum ? Est-il né en Martinique ou ailleurs ?
La canne à sucre arrive dans la Caraïbe lors des conquêtes de Christophe Colomb, en particulier son deuxième voyage en 1493, date à laquelle il accoste plusieurs îles dont la Guadeloupe et la Dominique. A l'époque, elle était importée des Îles Canaries. Ses tiges sont tout d'abord plantées sur l'île d'Hispaniola actuel territoire de la République Dominicaine et Haïti.
Le but de cette implantation était exclusivement de produire du sucre et ce sera chose faite dès 1516 quand la toute première cargaison de sucre partira de Saint-Domingue en direction de l'Espagne. Ces premiers implants seront aussi amenés dans les Petites Antilles bien que les Espagnols n'accordaient d'intérêt qu'aux îles des Grandes Antilles. En effet, d'après les écrits du Père Labat, la canne à sucre était déjà présente dans les futurs territoires français des Petites Antilles à l'arrivée des colons.
Les Français, par ailleurs fins connaisseurs d'eau-de-vie, décident de réserver des terres spécialement dédiées à la culture de la canne à sucre. Le but premier était de fabriquer du sucre mais très tôt cette culture se heurte à des problèmes de rentabilité car les taux d'extraction ne permettent pas une production optimale du sucre à partir du jus de canne.
Le jus fermenté par la chaleur et les levures naturelles donne une boisson alcoolisée dont les sources les plus anciennes mènent à Barbade en 1640. En effet, c'est dans la petite île la plus à l'est de l'arc antillais, Barbade, alors colonie britannique que l'eau-de-vie à base de canne de sucre apparaît.
Concernant la Martinique, l'ancêtre du rhum n'est mentionné qu'en 1667 dans les écrits du Père du Tertre (1610-1687) un homme d'église et botaniste français. Alors qu'il était missionnaire en Martinique, il fabrique un appareil de distillation pour traiter les écumes et gros sirops (terme désignant la mélasse). Le Père Labat perfectionnera le processus de distillation avec ses alambics (appareil destiné à la séparation de produits par chauffage puis refroidissement) vers 1694. Les sucreries vont alors s'adjoindre une distillerie et fabriquer à la fois du sucre et du rhum.
A l'époque, cette boisson fortement alcoolisée était appelée « tue-diable » ou guildive de l'anglais « kill devil » (tue-diable), tafia (mot d'origine africaine ou amérindienne) ou encore rumbillion. Ce dernier va d'ailleurs donner le mot « rum » en anglais qui devient « rhum » en français et sera adopté de manière définitive à la fin du 17ème siècle.
Aussi, le rhum était fabriqué à des fins médicinales. Il était consommé parfois à forte dose par les pirates, boucaniers et autres aventuriers. On peut d'ailleurs se remémorer l'épisode des Hollandais qui voulant conquérir la Martinique avaient échoué dans leur tentative après avoir fortement consommé de la guildive.
Les Antilles Françaises vont vite devenir le moteur de la production de rhum et de sucre. A cette époque, c'est le rhum industriel ou rhum de sucrerie qui était fabriqué à partir des des résidus de mélasse. La colonne à distiller le rhum remplacera plus tard l'alambic.
Par la suite, la crise sucrière du 19ème siècle, entraînera un changement de cap total avec la canne à sucre qui sera vouée presque exclusivement à la production de rhum et plus de sucre. C'est aussi vers cette période qu'apparaît le « rhum agricole » ou « rhum habitant » qui est obtenu par distillation du pur jus de canne fermenté.
Aujourd'hui, le rhum agricole martiniquais qui a obtenu le label Appellation d'Origine Contrôlée (A.O.C.) en 1996 constitue près de 85% de la production totale dans l'île. En 2012, c'est 85 366 hectolitres d'alcool pur (HAP) qui sortaient des distilleries de l'île, les 3/4 étant destinés au marché français et européen et plus marginalement l'Asie ou l'Amérique.