En 1839, la Martinique est une colonie française, la population est estimée à 117 000 habitants avec 41 000 hommes libres et 76 000 esclaves.
L'économie de l'île est essentiellement consacrée à la culture de la canne à sucre où près de 32 000 esclaves travaillent dans les différentes plantations de l'île. C'est aussi la culture qui occupe le plus de place avec près de 21 000 hectares sur les 38 000 hectares cultivés dans l'île. Outre la canne à sucre, l'île possède des plantations de café, de coton et de fruticulture (culture de fruits).
Malgré cela, la balance commerciale de l'île reste déficitaire avec près de 21 millions de francs d'importations contre 16 millions d'exportations.
Rappel géologique
La Martinique comme l'ensemble des îles des Petites Antilles est située sur une zone de subduction c'est à dire que une plaque tectonique océanique glisse et plonge sous une autre plaque avant de s'enfoncer dans le manteau. Ainsi pour les Petites Antilles, la plaque sud-américaine s'enfonce sous la plaque caraïbe. Ce frottement des plaques les unes par rapport aux autres font que ces dernières emmagasinent des tensions dans les roches qui finissent tôt ou tard par se relâcher et occasionner des séismes.
Les séismes, plus ou moins forts, sont parfois ressentis par la population des îles. La puissance du séisme dépend de sa profondeur dans le sous-sol et aussi du lieu où se situe l'épicentre par rapport à l'île, le point le plus fort du séisme.
Le 11 janvier 1839 reste l'un des jours les plus sombres de l'île de la Martinique qui connaîtra un séisme d'une extrême violence.
Et la terre trembla : le 11 janvier 1839
Le 11 Janvier 1839, la Martinique s'éveille à peine. Il était 5h55 quand la terre se met à trembler violemment et ceci pendant plus de 30 secondes. Selon les données, ce séisme se situait à 50km des côtes est de la Martinique et à environ 100km de profondeur. Sa magnitude était comprise entre 7 et 7,5 sur l'échelle de Ritcher. A la vue des données, il n'y a aucun doute sur la puissance énergétique de ce séisme. La secousse a été ressentie dans toute l'île. Les catastrophes matérielles et humaines sont colossales.
La ville de Fort-Royal n'est plus qu'un champ de ruines. Selon un rapport de l'époque, « les rues, les cours, les jardins ont disparu sous l’affaissement simultané des constructions. Des 800 maisons que compte la ville, 400 jonchent le sol, 200 sont partiellement écroulées, et ce qui reste debout menace incessamment de nouveaux malheurs : 50 à 60 à peine peuvent être habitées sans danger. Mais aucune n’a été épargnée, les maisons en maçonnerie s’étant écrasées sur leurs voisines en bois. Quant aux établissements publics, l’hôtel du Gouvernement, celui de Bellevue, l’hôpital, l’église, le Conseil colonial, la Cour royale, la caserne de gendarmerie, celle de l’artillerie, le magasin général, les deux prisons, tous ont partagé le sort commun. »
Dans un rapport envoyé au Roi de France Louis-Philippe 1er, le Gouverneur de la Martinique, Alphonse Louis Théodore, comte de Moges décrit la situation catastrophique de l'île après le séisme : « Fort-Royal alors chef-lieu gouvernement de la Martinique et les communes environnantes sont réduites en un monceau de ruines. L'hôpital s'est écroulé sur les malades. Le nombre de personnes tuées ou blessées est porté à cinq cents ». Il appelle la population à exécuter des travaux nécessaires au déblaiement des voies et au nettoyage de l'espace public.
Deux jours après le séisme, le nombre de victimes s'élève à 261 morts et 250 blessés à Fort-Royal. A Saint-Pierre, les dommages sont moins nombreux. Toutes les maisons en maçonnerie ont plus ou moins souffert et on y compte 5 victimes et plusieurs maisons abattues. Le bourg de Case-Pilote est aussi impitoyablement maltraité que Fort-Royal et on y compte plusieurs blessés. Dans les communes rurales, les dégâts matériels sont nombreux, aux dires du gouverneurs : « les établissements de pierre, les fours, les usines, les moulins sont presque tous détruits. »
La situation emmène le Gouverneur, Monsieur de Moges à emprunter auprès de la Guadeloupe et les îles britanniques environnant la Martinique. Le premier emprunt d'un montant de 800 000 francs servira à financer les premier secours, le second à relever les bâtiments militaires et l'hôpital où étaient soignés militaires et marins.
Il fait également la demande à la métropole des crédits exceptionnels pour financer les nombreuses réparations que devraient entreprendre l'île ainsi que des besoins de première nécessité (nourriture, vêtements, matériaux de construction).
En France métropolitaine, des opérations ou manifestations sont organisées pour collecter des fonds pour l'île durement frappée. Par exemple, à Strasbourg, un concert de soutien permet de récolter la somme de 3 500 francs.
A noter que les secousses avaient été ressenties à Sainte-Lucie et endommagé les murs de plusieurs maisons, à Barbade également, le séisme fut fortement ressenti. Le tremblement de terre fut ressenti jusqu'au Surinam à plus de 950km de la Martinique.
Conclusion
La Martinique juste avant l'abolition de l'esclavage est frappée durement par un tremblement de terre très peu relaté dans les livres historiques. Il n'en reste pas moins que cet événement a marqué profondément l'île qui à l'époque n'expliquait pas ce phénomène. Plusieurs répliques ont été ressenties entre le 11 et le 20 janvier 1839.
Alexandre Moreau de Jonnès, haut fonctionnaire qui a fait en partie carrière aux Antilles et correspondant à l'Académie des Sciences estimait que le tremblement de terre était le résultat de conditions climatiques particulières (vent de nord-ouest et de vapeurs dans l'atmosphère), le tout causé par l'électricité terrestre. C'est bien plus tard qu'Alexandre Wegener émettra l'hypothèse de la tectonique des plaques.
Si à l'époque ce séisme a surpris la population, aujourd'hui le risque reste majeur et toute personne vivant dans l'île doit être préparé pour savoir comment agir en cas de tremblement de terre.