14 Mars 1991 : Le jour où l'Amérique « découvrait la Martinique »

Le contexte : la Guerre du Golfe (1990-1991)

Guerre du GolfeEn 1991, le contexte international est tendu. Une guerre baptisée « la Guerre du Golfe » a lieu entre l'Irak de Saddam Hussein et une coalition de 34 états soutenue par l'Organisation des Nations Unis. Cette guerre fait suite à l'invasion du Koweït par l'armée irakienne. L'Irak alors endetté (150% de son  Produit Intérieur Brut) suite à la longue et coûteuse guerre qui l'opposa à l'Iran, exige de l'Arabie Saoudite et du Koweït auprès desquels il est endetté à hauteur de 45 et 15 milliards d'annuler sa dette mais aussi de lui faire don d'une somme d'une valeur égale. Il menace ces deux pays de représailles armées en cas de désaccord. Le refus du Koweït de laisser un libre accès à l'Irak au Golfe Persique et à fortiori à la mer et les mises en accusation du Koweït de forer côté irakien sont le point culminant des antagonismes entre les deux pays.

La tentative de médiation entre les deux pays tentée par les Américains échoue le 30 Juillet 1991 et le 2 août 1991 l'Irak envahit le Koweït.

Lors de cette guerre du Golfe, la coalition internationale utilise sa suprématie aérienne pour détruire le complexe militaro-industriel de l'Irak. Au sein de cette coalition se trouve les États-Unis comme leader avec plus de 535 000 hommes et la France avec 19 000 hommes.

La guerre s'achève le 28 février 1991 par la libération du Koweït par la coalition.

La rencontre : le 14 mars 1991

George Bush et François MitterrandLe 14 mars 1991, l'Habitation Clément est choisie pour accueillir les présidents François Mitterrand (Président de la France 1981-1995) et George Bush père (Président des États-Unis 1989-1993) lors d'un sommet franco-américain faisant suite à la guerre du Golfe. Le Jeudi 14 Mars 1991, le Air Force One, avion présidentiel américain se pose à l'aéroport de Fort-de-France en provenance du Canada où le Président américain venait de rencontrer le Premier Ministre canadien Brian Mulroney.

La Martinique a été choisie car l'agenda chargé du Président Bush l'obligeait à rencontrer plusieurs chefs d'état dans la zone Amérique-Caraïbe. D'ailleurs après la Martinique c'est à Bermudes que s'est rendu George Bush pour y rencontrer le Premier Ministre Britannique John Major avant de retourner à Washington le dimanche 17 mars.

De plus, George Bush aimait les îles de la Caraïbe qu'il considérait comme des lieux de villégiatures et des partenaires économiques privilégiés des États-Unis. Il choisissait souvent les différentes îles de la Caraïbe comme lieu de destination pour se reposer quand il était en vacances lors de sa présidence.

A l'époque, les relations entre la France et l'Amérique n'étaient pas au beau fixe bien que les deux pays faisaient partie de la coalition. Les raisons des divergences entre la France et l'Amérique étaient leurs positions vis-à-vis de l'Organisation pour la Libération de la Palestine. Si la France a des rapports courtois avec l'OLP, l'Amérique ne reconnaît pas l'existence de l'OLP surtout que cette dernière a pris part à la Guerre du Golf en soutenant l'Irak. Bush arrive en Martinique avec la ferme intention de déclarer sa déception à Mitterrand au sujet de la Palestine.

En Martinique, le contexte économique est difficile (chômage de masse, baisse du pouvoir d'achat, précarité de l'emploi, concurrence de la banane dollar). Certains syndicats et manifestants y voient l'occasion de mettre en lumière ces problèmes et défilent dans les rues de Fort-de-France avant l'arrivée des dirigeants pour protester contre les nombreux problèmes économiques et sociaux de la Martinique et revendiquer des mesures efficaces. Ils sont tenus à l'écart du sommet qui aura bien lieu à l'Habitation Clément au François.

Dans ce lieu hautement symbolique de l'histoire de la Martinique, les deux hommes se serrent d'abord la main chaleureusement devant les très nombreux journalistes et photographes avant de se retirer pour entreprendre des discussions privées. La réunion dure deux heures. Ils y font le tour de plusieurs sujets tels que l'Irak, Israël et la Palestine, le Maghreb ou encore la sécurité en Europe.

Le thème majeur du sommet était cependant les perspectives de paix au Moyen-Orient. A la conférence de presse qui conclut la rencontre, les différences de position entre les États-Unis et la France sont nombreuses et les deux hommes peinent à afficher leurs désaccords. Mitterrand, plus flexible sur ses positions plaidait en faveur d'une conférence internationale de paix au Moyen-Orient et en substance la création d'un État Palestinien. Bush en tant que chef d'état d'un pays allié à Israël bottait en touche la question palestinienne et estimait que la création d'un État Palestinien ne résoudrait nullement les problèmes de la zone. Malgré ces divergences, la rencontre fut cordiale et aucune animosité ne fut affichée entre les deux hommes.  A la fin de la conférence de presse, se déclarant « optimistes », les deux hommes se séparent et George Bush quitte la Martinique pour Bermude.

Conclusion

Le prestige des deux hommes font qu'il s'agit d'un moment fort de l'histoire contemporaine martiniquaise. On ne peut cependant pas dire qu'il s'agisse d'un événement-clé pour la Martinique dans la mesure où la Martinique n'était pas le sujet du débat et que l'impact de cette rencontre n'a pas eu d'effets retentissants pour l'île. Il ne s'agissait que d'une terre d'accueil et d'une mise en lumière le temps d'une journée. D'ailleurs peu de personnes localement et même dans le monde se souviennent de ces visites présidentielles.

Du côté américain, l'île fut « découverte » par un pays qui en avait en entendu parler pour la première fois lors de l'éruption de la Montagne Pelée. Elle a été l'objet de plusieurs articles dans les médias américains qui l'ont dépeinte comme une « présence française en Amérique », un paradis naturel, une « île où il fait bon vivre malgré quelques tensions sociales », une « ancienne colonie vivant encore selon un modèle colonial » (dépendance totale à Paris, système économique tourné exclusivement vers la métropole, une île dominée économiquement par les anciens colons blancs « les Békés ». Certains journaux américains vont plus loin dans la critique du choix du lieu en mettent en relation les deux hommes « colonialistes » (selon les termes utilisés) qui allaient sur des terres qu'ils « exploitaient économiquement » et à qui ils « imposaient leur impérialisme sauvage ».

Habitation ClémentConcernant l'Habitation Clément qui avait accueilli la rencontre, la reconnaissance a été mondiale. L'histoire de ce lieu est racontée dans les journaux de plusieurs pays. Avant la rencontre au sommet, des travaux importants avaient été effectués pour répondre aux exigences de l'événement et le regard international qui y serait porté le temps d'une journée. Bien évidemment, l'ancienne plantation coloniale a attiré les spécialistes du monde entier sur la valeur patrimoniale du bâtiment, propriété du Groupe Hayot dès 1986. Dès la fin de l'année de la rencontre, en 1991, l'Habitation Clément était inscrite à l'Inventaire supplémentaire des monuments historiques puis en 1996 été classée Monument Historique. Des photos de ce sommet historique sont présentes sur les lieux et vous pourrez les voir lors de votre future visite.

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